Yémen, de l'intérieur est une expérience sonore de 30 minutes sur les réalités du conflit au Yémen.
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Interminable. La route est longue, sans doute trop longue pour sauver la famille à l'arrière du pick-up. L’homme au volant fonce sans détour, entre la mine qui les a soufflés et l'hôpital de Mocha, le plus proche. Déjà trois heures qu’ils attendent de recevoir des soins.
Nous sommes au Yémen, et c’est une mine parmi tant d’autres qui les a blessés. Une mine abandonnée là par des militaires, et déclenchée par des civils.
« Ils en ont foutu littéralement partout, dans les champs, sur les routes. » raconte Agnès Varraine-Leca, qui s’est rendue trois fois au Yémen cette année pour Médecins Sans Frontières.
« Qui joue dans les champs évidemment ? Ce sont les gamins. Qui travaille la terre ? Ce sont les parents. Et en fait, ce sont des familles entières comme ça qui n’ont plus accès à leurs cultures, plus accès à leurs champs ou qui, littéralement, sautent sur des mines. Ça fait des générations entières d’estropiés. »
A la vue du drapeau aux couleurs de MSF, le conducteur accélère instinctivement. Le pick-up arrache le gravier du sol de la cour de l’hôpital. Ça grince. Ça hurle. Et puis la cloche tinte.
« A chaque fois que tu as une urgence, tu as cette cloche qui sonne et le son de la cloche à la fin, devient une angoisse. Une angoisse totale, parce que tu ne sais jamais ce qui arrive. » Les femmes et les hommes en blouse vert d’eau se ruent vers le pick-up.
A l’arrière du véhicule trône une imposante mitrailleuse, dont la taille et la puissance contrastent avec la carrure de celui qui la manipule. Le foulard qui habille sa tête est à moitié ensablé. Il semble hébété.
La poussière soulevée par l’arrivée tonitruante du pick-up n’est pas retombée que l’on décharge déjà quatre corps. D’abord, deux adultes. Sac mortuaire. Direction la morgue, il n’y a rien d’autre à faire.
« Les deux enfants qui ont entre cinq et dix ans, deux frères, eux sont vivants. » Le premier vit. Le second est pris de convulsions inquiétantes. « Il n’arrive pas à se maîtriser. En plus il est tout petit, dans une salle d’urgence qui paraît immense et il se secoue partout.
Il a un mini trou dans le crâne et ce mini trou qui me paraît rien du tout, c’est une entrée d’éclat d’obus. Ça fait un tout petit trou et dedans, ça fait un bordel énorme et c’est dans sa tête.
Donc le truc, tu peux te dire, c’est une écharde, en fait à l’intérieur, tu n’en as aucune idée et le fait est qu’à Mocha, on ne peut pas lui faire de scanner parce qu’on n’a pas ça. »
L’enfant doit être transporté vers l’hôpital d’Aden, le grand port du sud du Yémen, à six heures de route. Sa vie est de nouveau en jeu.
« On l’envoie là et puis on n’a aucune idée de ce qui va lui arriver. Et ce n’est pas un fait à part, c’est une réalité qui est quotidienne ».
A l’hôpital de Mocha, on vit avec la cloche, avec le manque de nouvelles, avec le vent qui fait vrombir les tentes du bloc opératoire, avec le bruit sourd des tirs d’artillerie.
Pour Agnès, le destin incertain de cette famille est devenu une histoire importante à raconter. Car le conflit au Yémen se joue à huis-clos.
Depuis 2015 le gouvernement yéménite, avec l’aide d’une coalition internationale menée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, tente de repousser les rebelles houthis vers le nord du pays.
Une guerre de plus pour un pays dont les jeunes adultes n’auront connu la paix que par courts interludes.
La brutalité du conflit se cache derrière un contrôle sévère de l’information et une restriction d’accès et de mouvements pour les journalistes comme pour les acteurs humanitaires.
Les échos de la guerre qui parviennent en dehors du pays sont ainsi déformés et teintés de la propagande des belligérants.
En accueillant aussi bien les combattants que les civils, les hôpitaux deviennent des fenêtres sur les réalités du pays. Un pays où le prix des combats est souvent payé par ceux qui n’y prennent pas part.
Prochain chapitre
Le bruit des bombes
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Récits d'humanitaires au cœur de la guerre

Une production de Médecins Sans Frontières

A PROPOS

Yémen, de l’intérieur est une plongée sonore et visuelle au coeur du Yémen en guerre. Portée par cinq voix d’humanitaires, cette expérience immersive livre un témoignage unique sur le conflit yéménite, qui se joue à huis-clos depuis mars 2015 et dont les équipes de Médecins Sans Frontières sont les témoins directs.

C’est à travers les récits d’Agnès, Bernard, Ghassan, Natalie et Thierry que se dessinent les réalités du quotidien de la population yéménite, prise au piège des combats depuis cinq ans.

Crédits

Écrit par
Benjamin Hoguet
Agnès Varraine-Leca

Conception et réalisation
Benjamin Hoguet

Production
Rasha Ahmed
Claire Magone
Julie Santolini
Agnès Varraine-Leca

Sound designer et ingénieur du son
Christophe Rémy

Comédien narrateur
Laurent Blanpain (version française)

Doublage voix
Camille Fievez (version française)

Développement
And Digital

Webdesign et graphisme
Victoria Denys

Studio d’enregistrement
Melodium
Hifi Génie

Traductions
Ros Smith-Thomas
Basheer Al Hajji

Crédits photos
Agnès Varraine-Leca / MSF
Guillaume Binet / Myop

Crédits sonores
Reportage BBC News - 15 octobre 2018'

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